► Chapitre I : Surprise

 

Chapitre 1 : Surprise.

 

-Bon, tu m’écoutes là ?! Franchement, arrête d’être égoïste et…

-Je suis bien placé pour savoir que le plus égoïste de nous deux, c’est bien toi, Liam ! Sifflais-je entre mes dents.

-Arrête de ramener ça sur le tapis, et pense plutôt à…

Je raccrochais brutalement le téléphone. Il pouvait s’égosiller autant qu’il le voulait, je n’allais pas mordre à l’hameçon. Néanmoins, l’argument qu’il avait utilisé me laissait septique. Il avait raison sur un point ; je devais « me fondre dans le décor » …

Je ris intérieurement. Me fondre dans le décor ??! Ca s’était facile ! Il suffisait juste d’oublier qu’à chaque fois que je pointais le bout du nez dehors, je… Je secouais la tête, comme pour me libérer de cette idée déplaisante. Déjà, je faisais d’énormes efforts pour m’empêcher de le ressentir dans une maison fermée, il ne fallait pas que je me mette à y penser !

Je composais rapidement un numéro de téléphone, puis, au bout de quelques minutes, parvins à m’inscrire à l’un des lycées de la ville. L’avantage d’être riche, c’était qu’on vous ne vous ennuyait pas de paperasse administrative, quand un peu d’argent suffit. Mine de rien, j’avais assez d’argent pour assurer la descendance d’une famille pourrie gâtée, et ce pendant à peu près mille ans.

Je soupirai en me déplaçant à travers la maison sombre. Je n’avais pas besoin d’allumer les lumières, je voyais très bien sans. Pourtant, dans le souci de paraître plus ... humain, de me « fondre dans le décor », j’appuyais sur l’interrupteur poussiéreux en poussant un soupir à   fendre l’âme. Presque aussitôt, la lumière de la chambre à l’étage de la maison voisine s’alluma, et une bouffée d’agacement me reprit. Je sentis un fil invisible s’emparer de moi, me couvrant de sentiments épars. Impatience, nervosité, fièvre, amour, le tout s’emparait de moi, et me hurlaient aux oreilles. J’étais habitué maintenant, et je pensais que je ne ferais aucune distinction entre ces hurlements et le bourdonnement d’un essaim de guêpes, qui s’amuseraient à me piquer. Evidement, ma peau d’acier empêcherait la moindre piqure s’aventurer plus loin que la couche supérieure de mon épiderme.

Je passais devant un miroir et remarquait avec étonnement que mes yeux, d’ordinaire verts émeraude, changeaient de couleur en prenant un rouge magnifique et écarlate. Un rouge sang. Ce n’est que lorsque je fis la comparaison que je me rendis compte que ma gorge était en feu me donnant l’impression d’abriter un magma dans mon œsophage, et que ma bouche n’allait pas tarder à exploser libérant le flot de lave en fusion. Je ravalait ma salive, en espérant vainement ralentir l’incendie qui se propageait, ouvrit à regret la porte de la demeure, et commençai à chasser, ne pensant à rien.

Récapitulons ; Je peux connaître les sentiments d’une personne, j’ais une peau de marbre, les yeux qui virent au rouge, j’avais soif de sang… Bref, je suis un vampire.

Après avoir déniché un alcoolique qui mendiait dans un coin, et qui ne manquerait sans doute à personne, je plantai mes crocs acérés dans sa jugulaire, en évitant de regarder son visage, ne me concentrant que sur le sang qui coulait dans mes veines. Certes, ce sang-là avait un goût horrible, comme impur, mais je préférais encore me nourrir de personnes destinées à l’enfer plutôt que de faire profiter le paradis à des innocents, comme le faisait jadis Dracula, se réservant exclusivement le goût onctueux de jeunes vierges. Je frissonnai à cette idée alléchante, et me concentrai  sur mon alcoolique. Je bus jusqu’à satiété, en pensant que cela suffirait, du moins pour quelques jours…

Nous y voici. L’instant que je redoutais. Maintenant qu’il ne m’était plus possible de penser à ma soif, j’étais en mesure de ressentir les sentiments de toutes les personnes présentes sur des kilomètres. Ce qui s’entendait, en l’occurrence sur toute la ville. D’habitude, cela ne me dérangeait pas, et je pouvais opprimer, en quelque sorte « désactiver » mon pouvoir, mais il existait un problème. Une tache sur le tableau. Une difficulté que je n’avais jamais éprouvée, et ce, même avec mes 482 années d’expérience. Cette fois, le sentiment était plus fort, trop grand pour que je puisse le supporter. J’étais anéanti. Comme d’habitude, lorsque je sortais, une seule personne accaparait toutes mes pensées. Un garçon, un fille, un vieillard, ou jeune, je n’en avais aucune idée. Mais il émanait de cette personne un sentiment hautement négatif. Au-delà du désespoir même. C’était presque comme si cette personne avait abandonnée la moindre parcelle de lumière, d’espoir en elle, comme si cette personne n’avait plus d’âme, mais se raccrochait à la vie. J’en avais le vertige. Je commençais un marcher lentement afin de me calmer, tout en inspirant et expirant longuement, bien que cet exercice fut inutile, en ma qualité de vampire.

J’en avais marre de devoir supporter tout cela une fois sorti, même si celle ou celui qui le ressentait devait supporter pire.

En vérité, j’en avais marre de tout en ce moment. De devoir me cacher parce que j’étais un vampire. De devoir me faire remonter les bretelles par Liam, ce que je haïssais. Il n’avait que 356 ans, pas la peine de me sermonner, surtout quand je pouvais le tuer à tout moment. Il le savait aussi d’ailleurs. Il n’était en sécurité que parce qu’il était sous sa protection à Elle.

Brusquement, l’obscurité me happa, et j’en appelais à toutes mes capacités de concentration pour oublier ce faux pas de mon cerveau. Comment j’avais pu me laisser penser à Elle ? Combien de fois l’avais-je regretté, à chaque fois que j’y pensais ?

Il ne fera jamais complètement noir pour un vampire, pourtant, c’était exactement ce que je ressentais. J’avais l’impression que l’obscurité m’imprégnait de sa noirceur, me forçant à m’y abandonner entièrement. Je me retournai, guettant une échappatoire. La moindre minuscule petite sortie.

Rien.

Le vide.

Pur et simple.

Quelque chose ne va pas ? demanda une voix visiblement inquiète.

 Je levai la tête. Dans ma tête, le noir avait cédé à du rouge sombre. Ce n’est que lorsque je me ressaisis quelques secondes plus tard que je constatais avec stupeur que mes pas m’avaient conduis à la personne la plus désespérée de la ville à part moi.

Une magnifique jeune fille arborant un sourire radieux.

 

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